Une question soulevée en ce moment sur des forums de fictionkins, c'est de savoir si être fictionkin va à l'encontre des copyrights ou pas. Disons-le franchement pour commencer, cela ne va pas plus à l'encontre des copyrights que les fanfictions. Tout le monde sait à qui « appartient » le monde de départ, qui est l'auteur ou autrice, et tout va bien dans le meilleur des mondes. Là où ça se corse, c'est quand on demande aux auteurs et autrices fictionkins ce que ces personnes pensent de la situation inverse : si c'était elles et eux qui étaient les auteurs et autrices desquels existent des fictionkins.
Et là c'est le festival de la stupidité et de l'ego. Pour résumer, certaines personnes sont persuadées de posséder les mondes et personnages « inventés ». Je ne suis pas d'accord.
Reprenons depuis le début. Une personne qui sculpte n'a pas inventé la pierre qui est utilisée pour faire la sculpture. Une personne qui peint n'a pas créé la peinture, et même la personne qui a fait la peinture ne l'a pas sortie toute faite de sa manche mais a utilisé des ingrédients. Nous ne faisons qu'emprunter des choses autour de nous pour leur donner une autre forme.
Pour l'écriture c'est pareil. Comme dirait Walter Moers (qui a écrit le monde duquel provient apparemment ma Forêt), ces mondes que nous décrivons quand nous écrivons existent déjà quelque part, nous ne faisons que les retranscrire. Ils n'apparaissent pas sous nos mains, ils préexistent au processus d'écriture. Nous ne faisons que nous y connecter. Le talent qui nous vient pour les transcrire plus ou moins fidèlement peut nous être retiré aussi facilement qu'il nous a été donné.
D'accord, le copyright est là pour que les auteurs et autrices puissent vivre de leur travail – leur travail de traduction, de translation, d'historien ou d'historienne. L'art est un don, l'art est une expression et n'est pas une possession matérielle. C'est une pensée éminemment humaine et égocentrique que de s'imaginer posséder ce que l'on engendre, par l'art ou par la reproduction. Personne ne possède ses enfants. Personne ne possède ses personnages et ses histoires.
Vous me direz sans doute qu'écrire c'est 10% d'inspiration et 90% de transpiration. Et que donc, l'auteur ou l'autrice « crée » le texte. Certes. Les mots sont alignés par la personne qui écrit. Et la personne qui écrit va toujours, toujours, rajouter un peu de sa propre expérience, de sa propre vie, dans le texte. C'est le cas de tous les artistes qui transcrivent toutes sortes de choses et rajoutent toujours leur propre « assaisonnement », leur propre patte. Néanmoins, la personne qui écrit n'a pas plus créé le monde ou les personnages utilisés, que la personne qui écrit n'a créé les légumes cuisinés. Seul l'arrangement, l'assaisonnement, sont la trace de l'humain-e.
Non, jeune auteur ou autrice, tu ne possèdes pas le monde que du décris. Tu ne possèdes pas tes personnages. Tu n'es que le messager ou la messagère. Tu n'es que le ou la scribe. La main qui écris. Pas le dieu ou la déesse de ton monde. Laisse tomber ton ego, il ne te sers qu'à te faire du mal. Tu es responsable non pas du monde que tu décris, mais de la manière dont tu le décris. Saisis-tu la différence ? Tu es responsable non pas comme dieu ou déesse d'un monde, mais comme scribe décrivant quelque chose de réel ailleurs. Quelque chose de réel pour d'autres. Alors, écris-le bien. Tu es responsable non pas de ta rose ou de ton renard, tu n'es pas le Petit Prince, mais tu es Antoine de Saint-Exupery racontant l'histoire du Petit Prince. Alors, soigne ton Petit Prince. Peut-être qu'un jour, tu le rencontreras sous la forme d'un-e fictionkin.